PSA demande le licenciement d'un médecin du travail

Scandaleux !


Un médecin du travail veut exercer son métier en toute indépendance,
PSA demande son licenciement !

Le 5 janvier dernier, le Docteur Isabelle KRYVENAC a été embauché comme médecin du travail sur l’usine de Metz-Borny où 1600 salariés y travaillent.

Visiblement, sa volonté d’exercer totalement son métier et en toute indépendance déplait fortement aux représentants de la direction locale de PSA.
En effet, en lisant son courrier (en pièce jointe), vous pourrez vous rendre compte :
• des irrégularités flagrantes de sa situation professionnelle et de son contrat de travail.
• du non respect caractérisé de son indépendance professionnelle qui est pourtant garantie par la législation et de l’ingérence systématique de la direction dans son travail.
• Les pratiques très contestables de la direction en matière d’arrêts maladie, de gestion des accidents du travail et des salariés handicapés.

Les représentants de la direction de l’usine de Metz-Borny sont bien connus de la CGT.
M. Laurent Vergely, le directeur de l’usine et M. Laurent Canagiuer, le DRH étaient ni plus ni moins que les numéros 1 et 3 de la direction qui a fermé l’usine de PSA Aulnay.
Ils sont bien connus pour leurs pratiques brutales du dialogue social.

La direction centrale en réunion de CCE du 15 juin s’est pourtant plainte de la pénurie de médecins du travail en général et en particulier aux usines de Metz-Borny et de Trémery, distantes de 10 km.

Cela n’empêche pas, la direction de PSA Metz Borny de demander la tête du Docteur Isabelle KRYVENAC.
Le médecin du travail est encore un salarié protégé. La direction a donc été obligé de convoquer un CE extraordinaire et lui demander de se prononcer sur cette demande de licenciement avant de peut être saisir l’inspection du travail.
A une écrasante majorité, les élus du CE de Metz-Borny et de Trémery se sont prononcés contre la demande de licenciement.
Organisée par les militants CGT, près de 750 salariés ont spontanément signé une pétition en soutien à leur médecin du travail.

Pour la CGT, la direction de PSA doit cesser immédiatement cette procédure injustifiée de demande de licenciement et doit enfin se conformer à la législation en respectant l’indépendance des médecins du travail dans les usines PSA.
Il y aurait certainement moins d’accidents du travail et chacun pourrait enfin connaître la vérité sur la dégradation des conditions de travail et les pratiques illégales de la direction de PSA concernant la gestion des arrêts maladies, des accidents du travail et des salariés handicapés.

-

UN ARTICLE DE MEDIAPART SUR LA MEDECIN DU TRAVAIL QUE PSA VOUDRAIT LICENCIER

Une médecin du travail dénonce la gestion sociale de PSA
25 JUIN 2015 | PAR RACHIDA EL AZZOUZI

Médecin du travail sur le site de Metz-Trémery, en Lorraine, Isabelle Kryvenac, qui doit suivre plus de 4 000 salariés, décrit la gestion sociale du groupe PSA. Menacée d'éviction, elle est soutenue dans l'usine par les salariés.

LE 15 juin, lors d’un comité central européen, au siège de l'avenue de la Grande-Armée à Paris, la direction du groupe PSA-Peugeot-Citroën s’est émue de la pénurie de médecins du travail, notamment sur le pôle industriel de Metz-Trémery (Moselle) qui compte plus de 4 000 salariés. Sans pour autant s’interroger sur les raisons qui poussent ces derniers à claquer la porte du constructeur automobile ou à renoncer à y mettre les pieds. En 2012, ils étaient cinq à exercer au sein du “service inter-établissement” de Metz-Trémery. Au 1er janvier 2015, il n’en restait plus qu’un ! Entre-temps, un turn-over incessant. Entre 2013 et 2014, pas moins de cinq médecins ont quitté le pôle mosellan. En 2012, un médecin a tenu quinze jours.

Mediapart s’est procuré un courrier très éclairant (télécharger ici) qui donne quelques éléments de réponse. Celui du docteur Isabelle Kryvenac, adressé le 20 juin 2015 à la direction de PSA France, notamment au DRH France, Philippe Dorge, où elle demande « de toute urgence » une « intervention ». Médecin du travail aguerrie, longtemps médecin-contrôleur à l’inspection du travail, elle jette une lumière crue sur les pratiques imposées à la médecine du travail sur le site de PSA-Metz-Trémery. Et liste toute une série de dysfonctionnements, d’irrégularités et d’abus dans ce pôle en restructuration permanente, où les effectifs ont fondu comme neige au soleil en quatre ans. « Outre les procédures irrégulières concernant ma situation professionnelle, le droit du travail est ouvertement bafoué sur les thèmes sensibles ayant trait à la santé et à la sécurité des salariés », écrit-elle en préambule.
Les quatre pages de sa lettre sont accablantes pour la direction du site de Metz-Trémery, incarnée par Laurent Canaguier, DRH, et Laurent Vergely, directeur, l’ancien tandem à la tête de l’usine PSA-Aulnay en Seine-Saint-Denis, qu’ils ont vidée de ses 3 000 salariés et fermée. Elles en disent long sur les méthodes de PSA, sa vision du droit social en matière de gestion des arrêts-maladies, des accidents du travail, des salariés handicapés... ainsi que sur les pressions patronales que subissent les médecins du travail au quotidien dans l’exercice de leur mission de protection de la santé des salariés.

« Isabelle Kryvenac dérange PSA car elle fait son métier. Elle n’est pas un médecin à la solde du patron, comme la direction pouvait l’espérer », dit Jérôme Contat. Délégué syndical CGT sur le site de Metz, « rompu aux sales méthodes de la maison », il voit depuis quinze ans « des médecins épuisés par la direction se barrer en fermant leur gueule ». « Pour la première fois, l’un d’entre eux ose briser les tabous et témoigner de la réalité PSA. Ce courrier est une bombe atomique », applaudit-il.

À travers l’exemple du site de Metz-Trémery, premier employeur privé de Moselle et de Lorraine, où François Hollande s’est rendu durant l’entre-deux tours des départementales, Isabelle Kryvenac offre un témoignage sur la politique sociale conduite par la marque, dont l’État est actionnaire à 14 %.

Morceaux choisis :

SUR LE NON-RESPECT DE L’INDÉPENDANCE PROFESSIONNELLE. EXTRAITS :

« Je suis choquée de devoir soumettre mes travaux pour accord à M. Canaguier (DRH). Un médecin du travail n’a pas à se faire censurer et n’a pas d’ordre à recevoir d’un DRH sur le plan purement médical. De même, les infirmières du service de Metz n’ont pas à faire valider leurs documents concernant la santé au travail par le DRH. Il a été reproché à l’équipe de santé de Metz de ne pas présenter suffisamment de documents de prévention dans le domaine de la santé, mais M. Canaguier et ses collaborateurs se permettent de réduire nos communications et autres travaux médicaux ou de se plaindre encore que "cela ne convient pas". M. Canaguier exige par ailleurs de valider les sujets médicaux... »

« Concernant les restrictions et demandes d’aménagement de poste émises par mes soins lors des visites médicales, il y aurait soi-disant du mécontentement de la part du management. Parallèlement, il est demandé au service de santé au travail de Metz d’inciter les salariés à effectuer une demande de reconnaissance de travailleur handicapé (RQTH). Je rappelle que les salariés disposant d’une RQTH bénéficient d’une surveillance médicale renforcée et que le médecin du travail doit favoriser le maintien dans l’emploi de ces travailleurs. Les salariés du site de Metz sont globalement plus âgés qu’à Tremery. Le médecin du travail a également un rôle de conseil pour l’adaptation des postes en fonction de l’âge et de la résistance physique. »

SUR LES ARRÊTS DE TRAVAIL. EXTRAITS :

« La réglementation ne permet pas d’effectuer des visites de reprise ou de pré-reprise à l’initiative de l’employeur, avant la date de fin d’arrêt de travail fixée par le médecin traitant (arrêt accidents du travail notamment). Si effectivement, il existe des jurisprudences qui qualifient la visite effectuée en cours d’arrêt de travail de "visite de reprise" entraînant la fin de la suspension du contrat de travail, deux conditions sont impératives : la première, le salarié doit exprimer sa volonté de reprendre ; en clair, c’est le salarié qui a l’initiative (jamais l’employeur) ; la deuxième, l’employeur doit être dûment informé. Je suis donc étonnée de voir des salariés en cours d’arrêt de travail, venir en visite médicale à l’initiative de l’employeur. Les adaptations de postes ou changements de poste ne semblent poser aucune difficulté lorsqu’il s’agit d’un salarié victime d’un AT (accident du travail). Je rappelle par ailleurs que le salarié victime d’un AT est libre de voir le médecin qu’il souhaite pour sa prise en charge et les soins dispensés par le service de santé au travail doivent être limités aux soins d’urgence. M. Canaguier ne peut imposer que le service de santé au travail de Metz ait une convention avec un cabinet de radiologie extérieur. Je rappelle sur ce point que l’exercice du médecin du travail est exclusivement préventif. »

SUR LA SÉCURITÉ DANS L’ENTREPRISE. EXTRAITS :

« Lors de mon arrivée, je n’ai eu aucun parcours d’accueil et formation à la sécurité, que ce soit sur l’usine de Metz ou celle de Trémery. »

SUR LES ENTRAVES AUX MISSIONS DE LA MÉDECINE DU TRAVAIL. EXTRAITS :

« Aucune liste des salariés à surveiller ne m’a été fournie sur Trémery à mon arrivée. (...) je n’ai reçu aucune invitation aux CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) de Tremery, M. Canaguier estimant que cela n’était pas nécessaire. Le médecin du travail est pourtant membre de droit du CHSCT (L. 4613-2, R. 4614-2 et 3 CT). Ce mode de fonctionnement s’avère en non-conformité avec les exigences réglementaires et médicales. »

SUR LA PRATIQUE ET LES MOYENS POUR ASSURER L’ENSEMBLE DE SES MISSIONS À METZ. EXTRAITS :

« Ma demande d’une troisième infirmière en CDI et d’une secrétaire en contrat de professionnalisation sur le site de Metz a été acceptée en réunion (CHSCT...) par M. Canaguier mais n’est toujours pas suivie d’effet. De même, la demande effectuée il y a plusieurs mois par une des infirmières en CDI de poursuivre son activité actuelle par un cumul emploi-retraite reste sans réponse. Je rappelle que le code du travail stipule la nécessité de la présence d’au moins trois infirmières dans les établissements industriels ayant 1 400 à 2 000 salariés. »

« Locaux de Metz : l’agrément délivré par la DIRECCTE le 7 mai 2012, indique la nécessité de poursuite de l’amélioration des locaux dédiés au service, avec rénovation des locaux de Metz. Lors de la visite de M. Canaguier dans les locaux de Metz en ma présence, début 2015, celui-ci a déclaré "qu’il ne jugeait pas utile de faire de travaux de rénovation". »

SUR LA FORMATION « MANAGER EN PÉRIODE DE CHANGEMENT » (limites à établir quant aux répercussions éventuelles sur la santé mentale des salariés en cas de réduction des effectifs)

« Lors de ma participation à la réunion de formation le 29 mai 2015, en présence du DRH, j’ai été très choquée d’entendre M. Canaguier vouloir aller au-delà du cadre fixé par le groupe pour cette formation, qui apparaissait initialement bien délimitée, et qui a publiquement déclaré "qu’il fallait que les salariés coupent le cordon ombilical avec PSA"... »

Embauchée en janvier 2015 à temps partiel sur le site de Metz-Borny, où l’on fabrique des boîtes de vitesse, soit 1 700 salariés à suivre, après le départ de deux médecins, Isabelle Kryvenac est dès son arrivée confrontée au non-respect du code de déontologie médicale et à l’irrégularité dans son contrat de travail, sa nomination et son affectation. Laurent Canaguier, le DRH, exige d’elle qu’elle exerce également une journée par semaine, le mercredi, sur le site de Trémery (2 451 salariés), distant d’une vingtaine de kilomètres et spécialisé dans les moteurs diesel, où il n’y a plus qu’un médecin à temps partiel après le départ de deux médecins du travail. Ce, sans avenant à son contrat de travail alors que le Conseil de l’ordre des médecins de Moselle le lui réclame, conformément à l’exercice de la profession. Et sans l’accord de l’organisme de contrôle, le comité d’entreprise (CE), comme la loi le prévoit, pour cette double affectation. Le DRH lui répond qu’il « n’en a que faire ».

Dans sa lettre, Isabelle Kryvenac, toujours en période d’essai (prolongée après quatre mois jusqu’au 5 juillet), détaille précisément une procédure entachée d’illégalité jusqu’à la rupture de son contrat de travail. Car aujourd’hui, la direction réclame sa tête. Le 16 juin dernier, alors qu’elle était en pleine visite médicale, le DRH a débarqué dans son service de santé « sans rendez-vous préalable », pour lui demander oralement de présenter sa démission. Isabelle Kryvenac s’y est refusée.

Le lendemain, c’est l’adjoint du DRH qui a voulu la voir « deux minutes pour régler un point urgent » : qu’elle signe « immédiatement » la remise d’un courrier déjà établi concernant la rupture anticipée de la prolongation de sa période d’essai. Nouveau refus de la médecin. Parce que c’est illégal et que le médecin du travail est un salarié protégé pour le licenciement, y compris durant la période d’essai.

Contrairement aux dires de la direction qui aurait, selon la CGT du site, fourni des faux, Isabelle Kryvenac affirme n’avoir jamais reçu de convocation pour un entretien préalable de licenciement. Ce mercredi 24 juin, une réunion extraordinaire des comités d’entreprise de Metz et de Trémery (alors qu’elle ne dispose pas de contrat pour ce site) s'est tenue, à la demande de la direction, pour mettre fin à sa période d’essai sans qu’elle soit invitée à s’exprimer et sans connaître les motivations de cette rupture anticipée. Les élus des deux CE se sont prononcés contre la demande de licenciement. En quelques heures, près de 750 salariés, soit la moitié de l’usine de Metz, ont aussi spontanément signé une pétition en soutien à Isabelle Kryvenac dont « un tiers de cadres, du jamais vu ! », raconte Jérôme Contat, de la CGT.

Contactés, Laurent Canaguier et Laurent Vergely, le DRH et le directeur de Metz-Trémery, n'ont pas retourné nos appels. Tout comme Franck Mulard, le directeur des ressources humaines de PSA France. Bruno Bertin, directeur des “relations sociales et humaines” de PSA France, estime « ne pas être le bon interlocuteur ». Il faudra se contenter du service communication qui voit là « encore un tract de la CGT » : « Nous sommes en permanence sous les feux des médias, de l’inspection du travail, des autorités. Un groupe comme PSA ne se permettrait pas d’être en situation irrégulière sur la question de la médecine du travail. Si le site de Metz n’a pas souhaité reconduire cette médecin en période d’essai, c’est qu’il a de bonnes raisons. » Avant d’abréger lorsqu’on lui propose d’évoquer point par point les faits précis dénoncés dans le courrier d’Isabelle Kryvenac : « C’est sa lettre, son point de vue ! Nous ne pouvons nous occuper de ce genre de petites affaires à l’heure du redressement du groupe et de la création d’une usine au Maroc. » L'heure est en effet à être « back in the race », de retour dans la course, selon le plan du PDG Carlos Tavares pour remonter dans le peloton de tête des constructeurs automobiles..